ASSASSINATS RACISTES ET/OU SÉCURITAIRES (1980-2000) : Racisme et discriminations. Après les années noires de 1970 (ici) c'est au tour des décennies suivantes, 1980 et 1990, de connaître leur lot d'assassinats racistes. Des jeunes et des moins jeunes encore : Manuel Dos Santos au Perreux, Saci Kedideh et Rezki Sekhar à Troyes, Hortense Babungana à Meaux, Raphaël Martial à Paris… etc. D’une génération à l’autre, les assassinats d’immigrés n’ont en fait jamais cessé, car nombreux sont les jeunes qui tomberont, à leur tour, sous les balles soit de bavures policières soit de partisans de la légitime défense. Citons pour mémoire : A Ghrib (Valenton), Abdallah Bouafia (Lyon, 1989), Abdel Benyahia (Pantin 1986), Abdelali Mohamed (Paris), Abdelhamid Benabi, Abdelkader Bouziane (Dammarie-les-lys, 1997), Abdelkader Lachère (Vitry s/s, 1980), Abdelkader Moussaoui (Caen, 1987), Abdelkrim Amouri (1983), Abdelkrim Haouette (1982 à Livry-Gargan), Abdennebi Guemiah (Nanterre, 1982), Ahmed Benkhellil (1983, Grenoble), Ahmed Boutelja (Bron, 1982), Ahmed Medjir (Clichy), Aïssa Ihich (Mantes la jolie, 1991), Akim Merabet (Crémieu, 1990), Ali Ibrahim (Marseille, 1995), Ali Mahfoufi (La Courneuve, 1988), Ali Rafa (Reims, 1989), Ali Rezgui (Combs-la-ville, 2000), Amar Abidi (Nice, 1987), Amouri Abdelkrim (décédé à l'hôpital de Cergy-Pontoise), Antonio Dos Anjos (Libournes, 1984), Aziz Bougheza (Lyon, 1987), Azzouz Read (Pau, 1994), Bamoro (Sartrouville, 1991), Belaïd Mellaz (Longwy, 1998), Belgacem Belhabib (Noisy le Grand, 1995), Benlarbi Abdelkaderil (Paris, 1983), Berded Barka (Vaulx-en-Velin, 1985), Boucif Benouar (Sucy-en-Brie, 1979), Boufenchouche Mohamed (1982 à Strasbourg). Brahim Bouarram (Paris, 1995), Bruno Zerbib (Paris, 1982), Christian Dovéro (Marseille, 1988), Christophe Mathieu (Carpentras, 1986) Djamal Benakka (Laval, 1995), Djamal Chettouh (Sartrouville, 1991), Djamel Abdulrazzaq et Jean-Luc Morvan (Saint-Denis, 1981), Eric Hegueous (Montrouge, 1984), Eric Simonté (Chambéry, 1993), Fabrice Fernandez (Lyon), Farid El Orabi (La Rochelle, 1986), Farid Oumrani (Lyon, 1988), Ghemiah Adenmbi (1982, Nanterre), Ghouri Yazid (Gonesse), Gustave Kokou (Méru, 1998), Habib Grimzi (train Bordeaux-Vintimile, 1983), Habib Ould Mohamed (Toulouse, 1998), Hassan Sevic (Islettes, 1981), Hassan Talhoui, Hocine Jahida Mokrane (Violée et tuée par un groupe de militaires à Villeurbanne), Houari Ben Mohamed (Marseille, 1980), Ibrahim Sy (Rouen, 1994), Imed Bouhoud (Le Havre, 1995), Itim Djamel et Kherkour Djamel, (Montreuil, 1983), Jawad Zaouiya (Mantes la Jolie, 1996), Jean-Christophe Latchouman (Cayolle), Kadi Layachi, Kamel Ben Ali (Gennevilliers, 1981), Kamel Lattad, Karim Benhamida (Haubourdin dans le Nord, 1984), Karim Himi (Mulhouse, 1990), Kemal Ozgun (Epone, 1984), L. Seksef, Laurent Weiss (Chamblay, 1983), Loïc Lefèvre (Paris, 1986), Mahmoud Sharouf (Marseille, 1982), Makomé M'Bowole (Paris, 1993), Majid Labdaoui (Roannes, 1990), Malik Oussekine (Paris, 1986), Malika Moulaï (Noisy le sec, 1988), Manoka Nzeza (Tourcoing, 1998), Marina Fays (Paris, 1980), Mario Simao (Paris, 1988), Medjari Hadj (Draguignan), M'Hamed Thamin, (1983 à Lyon), Mohamed Abidou (Lyon, 1982), Mohamed Bounfenchouche (Strasbourg, 1982), Mohamed Khaous (Sens, 1996), Mohamed Lahaouri (Marseille, 1980), Mohamed Larbi (Tours, 1982), Mohamed Tajra (banlieue d’Avignon), Mounir Oubaja (Vauvert, dans le Gard, 1999), Moussa Messogh (Livry Gargan, 1983), Muhammer Inik (Montargis, 1987), Mustapha Boukhezzer (1977), Mustapha Kacir (Villeurbanne, 1986), Nasser Soulina (Marseille), Nouredine Benomari (Nanterre, 1995), Nouredine Machta (Lyon, 1985), Ouardia Aouache (Joeuf dans le Jura, 1984), Pascal Mauclerq (Montataire, 1984), Pascal Taïs (Arcachon, 1993), Philippe Huynch (Garges les Gonesse, 1994), Rachid Ardjouni (Wattrelos, 1993), Ryad Hamlaoui (Lille, 2000), S. Saoudi, Saïd Mhanni (Saint-Florentin, 1990), Salim Grine (1983 à Aix-en-Provence), Salim Mazari (Paris, 1984), Snoussi Bouchiba (Castres, 1987), Sydney Manoka Nzera (Tourcoing), Taoufik Ouannès (La Courneuve, 1983), Thomas Claudio (Vaulx-en-Velin, 1990), Torki Toualbia (Survilliers), Wahid Hachichi (Vaulx-en-Velin, 1982), William Normand (Fontenay sous-Bois, 1986), Yazid Ghouri (1982, à Gonesse), Youssef Khaïf (Mantes la jolie, 1991), Z. Boubjalal, Zouaoui Benelmabrouk (Paris, 1984),… Une liste de cent quatorze noms et l’on est malheureusement très en dessous de la réalité. Ainsi, pour les dix premiers mois de l'année 1983, plus de 35 morts sont à relever. La Corse n'est d'ailleurs pas en reste où 21 assassinats ont été signalés en l'espace de cinq ans (Hassen Sdri, Abarran Mimoun (Ajaccio), Lhachmi Bouned (Bastia), Ettahari Mohamed (Campo-Quercio), Bouned Lhachmi (Bastia), Arai Omar et Ferchichi Messaoud (Ajaccio), Mohamed Sagtni...) Dans chacune des situations la solidarité s’organise autour de la famille et pour que la justice fasse son travail. Dans ces mêmes années 1980 – 1990, de nombreux mouvements de jeunes issus de l’immigration et des quartiers vont se mobiliser contre la recrudescence de ces assassinats (Coordination Police/justice, IM’Média, le Mouvement de l’immigration et des Banlieues MIB, les JALB, AGORA…) et apporteront leur soutien à l’Association Nationale des familles des victimes des crimes racistes et sécuritaires (ANFVCRS). Le terme assassinats racistes et/ou sécuritaires volontairement utilisé, évite en effet les amalgames et les réponses simples qui consistent à ne voir dans tous ces crimes que le caractère raciste (à la différence de la décennie précédente où ce caractère était démontré). En effet, il faut bien admettre que certains de ces crimes sont le résultat de la tension, due à l'insécurité, à la mal-vie, au chômage, à la galère, à la multiplication des contrôles policiers... etc. qui règnent dans de nombreux quartiers des grands ensembles et dans les banlieues. Une situation qui résulte aussi du climat et de l’obsession sécuritaire qui vont commencer à régner et qui s’emparent de l’Etat et d’une partie des élus – sous la pression de l’Extrême-droite - avec le slogan de reconquête des zones de non-droit, etc. Et ce processus ira en s’envenimant creusant davantage le fossé entre les jeunes et les institutions de l’Etat notamment la police (qui use et abuse des contrôles contre les jeunes dans les cités) ou encore l’institution judiciaire qui a fait montre d’un laxisme le plus souvent bienveillant pour ceux des policiers responsables de la mort d’enfants et de jeunes gens. En effet très souvent ces policiers s’en tirent avec des non-lieux ou des peines assorties de sursis, au nom de la sacro-sainte légitime défense de fonctionnaires dans l’exercice de leur fonction. La notion de bavures a permis jusque là à l’institution (et à l’État) d’éviter (comme l’arbre qui cache la forêt) un réel bilan de son action et de son rôle supposé de gardienne de la paix civile. Et les décisions de justice à cet égard sont édifiantes. La signification forte du terme Hagra (littéralement le mépris) lancé notamment par le MIB (mouvement de l’immigration et des banlieues) est d’autant plus révélatrice et symptomatique qu’elle exprime à sa manière les slogans « police partout, justice nulle part » ou « pas de justice, pas de paix » et que les «violences faites à nos quartiers sont la marque d’une politique délibérément discriminante et raciale. Les bavures policières ne sont rien d’autres que l’arbre qui cache la forêt d’un véritable apartheid social, juridique et raciste» (MIB). Certes il ne s’agit pas ici de fermer les yeux sur les larcins voire les délits plus graves qu’ont pu, ici ou là, commettre certains de ces jeunes. La loi est la loi et elle doit être la même pour tous. Justement le problème est qu’elle n’est pas la même pour tous selon que l’on soit jeune d’origine étrangère, selon son origine sociale où encore selon son lieu d’habitation. La double peine existe bel et bien et de manière institutionnalisée. La répression brutale et violente apparaît finalement comme l’aboutissement logique de l’exclusion et de la relégation sociale de populations entières. (cf. l'immigration de A à Z)